Les vertus du chantage

Après quelques tours, l'Erotikon Cyclorama s'immobilisa et je sortis de la cabine en compagnie de Wanda l'Orgasmatron Girl. Nous nous rendîmes toutes deux au vestiaire et j'eus le soulagement de constater que mes vêtements et mon téléphone cellulaire n'avaient pas été volés, comme je le craignais.

Pendant que j'enfilais mes fripes et que Wanda se glissait dans son épibarrière noire, je lui demandai en quoi consistait le métier d'Orgasmatron Girl.

— Pour résumer la chose très simplement, nous offrons des services sexuels en échange de rémunération, dit-elle.

— De la prostitution, en somme.

— Nous préférons nous qualifier de travailleuses du sexe, mais oui, on peut dire ça.

— Et… l'Orgasmatron ? Qu'est-ce que ça vient faire là-dedans ?

— La machine a trois fonctions : elle permet de provoquer des orgasmes par neuroconnexion, permet d'établir un portail intégral de téléportation, mais aussi de faire des rencontres avec d'autres utilisateur·trices. Nous nous servons de cette troisième fonctionnalité pour offrir nos services.

— Pourquoi vous portez toutes ce drôle de vêtement ?

— Parce que c'est confortable et sexy, mais surtout pour des raisons de sécurité. L'épibarrière est très mince, mais absorbe les chocs et résiste à la traction et au transpercement cent fois mieux que le kevlar. C'est aussi un vêtement neuroconnectif ; on peut contrôler la surface de recouvrement grâce à une iCagoule. Regarde !

L'agent Cadorette, de la sécurité de Lustpark.

Wanda pointa du doigt sa poitrine. Je vis la matière noire de l'épibarrière se rétracter suffisamment pour exposer ses seins à l'air libre. Elle sautilla légèrement pour les faire rebondir, puis le vêtement s'étira pour les recouvrir de nouveau, aussi vite qu'il s'était rétracté. J'étais drôlement impressionnée.

— Et la machette avec la poignée en forme de you-know-what... ? demandai-je.

— Ça s'appelle une godemachette. Nous nous en servons pour l'auto-défense et aussi pour les services que nous prodiguons à notre clientèle. La poignée fonctionne comme un organe génital techno-modifié qui est contrôlé, comme l'épibarrière, par neuroconnexion.

— Est-ce que ça paie bien, le métier d'Orgasmatron Girl ?

Wanda me fit un sourire malicieux et me dit :

— Probablement beaucoup plus que tout ce que tu gagnes en faisant du recel.

Qu'elle ait pu deviner si facilement mes activités illicites me déstabilisa un peu, alors je décidai de changer de sujet de la conversation.

— Qu'est-ce que je dois faire pour récupérer mon sac ?

— Je connais un type qui travaille pour la sécurité de Lustpark. Un sale type, un salaud de la pire espèce. Par chance, j'ai suffisamment d'information compromettante à son sujet pour le faire chanter ; ça me permet d'obtenir des petits services de temps à autre. Viens, on va aller le voir.

Nous quittâmes le vestiaire de l'Erotikon Cyclorama et je suivis Wanda jusqu'à un drôle de manège où les sièges étaient des pénis géants plutôt que des chevaux. Les dames qui y étaient assises semblaient vraiment passer un bon moment, alors je me suis dit qu'il fallait éventuellement que j'essaie ça. Devant le manège se tenait un type chauve qui portait l'uniforme vert des agents de sécurité de Lustpark. Il me fut immédiatement antipathique ; il avait le regard fuyant, une dégaine de brute et un sourire méchant – qu'il perdit dès qu'il aperçut Wanda. Elle le salua en disant :

— Eille Cadorette ! Long time no see ! Je suis surprise que tu ne sois pas encore en train de moisir en prison !