Ma chance tourne
J'étais venue pour vendre ma part de butin volé et on me l'avait facilement volé comme la débutante que j'étais. La vie de receleuse était décidément moins facile que je le croyais.
J'avais payé pour un accès illimité aux manèges, alors je me dis que j'allais en essayer quelques-uns pour que ma perte soit un peu moins sèche, un peu moins amère. Il y avait cette grande roue qui dominait tout le parc ; je décidai de faire un tour ou deux et après, prendre un taski et retourner à la maison.
Ladite grande roue s'appelait l'Erotikon Cyclorama et c'était le seul des manèges où il n'y avait pas de queue à l'entrée. Au guichet, une employée de Lustpark m'accueillit en mâchant du chewing-gum :
— Bienvenue à l'Erotikon Cyclorama, la grande roue nudiste. Veuillez apposer votre signature rétinienne ici, au bas de l'écran.
— Pourquoi ?
— Pour promettre que vous n'allez pas faire des trucs obscènes ou répandre vos fluides corporels dans la cabine.
— Ah ça… je viens de me faire solidement baiser, alors il n'y a pas de danger.
— Whatev... dit la jeune dame.
Après avoir exposé mon œil droit à la caméra pour signer leur contrat, je me dirigeai vers une des cabines qui étaient libres. L'employée de Lustpark me rappela immédiatement à l'ordre :
— Hého ! Pas de vêtements dans la grande roue ! C'est clairement stipulé dans le contrat que vous avez signé !
— Un de vos collègues m'a obligée de laisser mon sac à l'entrée des montagnes russes et on me l'a volé. Je n'ai pas envie de me retrouver toute nue en sortant de ce manège, ce serait le comble !
La jeune femme souffla une grosse bulle de gomme rose et me pointa un vestiaire comprenant plusieurs rangées de casiers. La bulle éclata et elle me dit :
— Ils s'ouvrent avec ton empreinte rétinienne... celle que tu viens de nous donner.
Je soupirai et allai ranger tous mes vêtements dans un des casiers. J'aurais évidemment dû me douter que la nudité allait être obligatoire dans la grande roue nudiste. Je me dis aussi que j'aurais dû me raser le pubis avant de me rendre à Lustpark ; j'arborais au grand jour ma touffe version « maman ourse en fin de période d'hibernation » et ça me gênait un peu – plus que d'être nue en public, en fait. Je vis ensuite que toutes les cabines étaient prises ; j'en choisis une qui était occupée par une femme tout aussi nue que moi qui avait l'air d'avoir mon âge. Je m'assis sur la banquette devant elle et la préposée au chewing-gum vint fermer la porte derrière moi.
Alors que le manège se mettait en branle, je jetai quelques regards à ma compagne de cabine. Elle avait les cheveux noirs attachés, les yeux presque de la même couleur, les membres filiformes et la poitrine lourde et généreuse. Son pubis, il était impeccablement épilé – contrairement au mien, ce qui ajouta à mon malaise. Un dragon était tatoué sur son pénis, ce que je trouvai fort élégant.
La grande roue commença à tourner et je regardai par la fenêtre le parc d'attractions et les toits de la première strate qui s'étendaient à perte de vue. Puis je pensai à ma stupidité de m'être rendue aussi loin de chez moi pour me faire avoir comme la première des poires. J'étais si en colère contre moi-même que je me mis à pleurer. Ma partenaire de cabine remarqua mon émoi et me dit :
— Allons, qu'est-ce qu'il y a ma jolie ? Pourquoi ce chagrin ?
— Désolée, c'est juste que… je ne me sens pas à ma place ici. J'aurais dû rester chez moi avec les chats que je viens d'adopter.
— La nudité, on s'y fait assez vite. Il faut te donner du temps… tu vas voir, c'est très libérateur.
— Non, ce n'est pas ça. C'est… tout le reste. Je trouve les gens ici très agressifs, voire méchants.
— C'est vrai que le personnel du parc est plutôt blasé. Il faut les comprendre, au prix où on les paye... à leur place, je serais probablement encore plus désagréable.
— Au point de voler les visiteuses ?
— C'est ce qui t'est arrivé ?
Je lui racontai alors ma mésaventure aux montagnes russes orgasmiques et au bureau de la sécurité de Lustpark.
— Qu'est-ce qu'il y avait dans ce fameux sac ? me demanda ensuite ma partenaire de cabine.
— C'est un peu gênant...
— Nous sommes toutes les deux nues. Dans ce contexte, rien ne devrait être gênant.
Elle dut voir à mon expression que j'étais dubitative, puisqu'elle me tendit la main et me dit :
— Je m'appelle Wanda.
— Et moi Anne, dis-je en serrant sa main.
— Maintenant que nous ne sommes plus des étrangères, je pense que tu peux me dire ce qu'il y avait dans ton sac.
Je soupirai, puis lui dit :
— Des accessoires utilisés par les Orgasmatron Girls. Une combinaison noire faite d'une matière élastique étrange, une iCagoule et une machette avec un manche en forme de… ahem... d'organe viril. Quelqu'un m'a dit que je pourrais trouver une personne intéressée à acheter ces objets à Lustpark, mais je n'ai pas encore croisé d'Orgasmatron Girls.
Wanda sourit et me dit :
— Tu en as une devant toi.
— Pour vrai ? Je n'aurais jamais pu deviner.
— C'est sûr qu'il est difficile de deviner ma profession alors que je suis à poil, dit-elle malicieusement.
— Ah la la, quelle poisse. Il a fallu que je me fasse voler avant de rencontrer une acheteuse potentielle.
— Meh. Je ne suis pas vraiment sur le marché pour me procurer du matériel usagé, mais j'aurais pu te présenter des sœurs qui auraient été intéressées.
— C'est bien ma chance, dis-je tristement.
— Elle est peut-être sur le point de tourner, dit Wanda. Tu m'as dit que ton sac est au bureau de la sécurité, right ?
— Oui.
— Je pense que j'ai une solution à ton problème, dit-elle alors.