« C'est ta première fois sur une clitamine, n'est-ce pas ? »
« C'est ta première fois sur une clitamine, n'est-ce pas ? »

La caravane se mit en branle et dès que je fus assise sur la selle de Jouvina, Josiane me demanda :

— C'est ta première fois sur une clitamine, n'est-ce pas ?

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

— Ça se voit à la façon dont tu t'asseois.

— Qu'est-ce qu'elle a, ma façon de m'asseoir ?

— Oh, tu verras bien assez vite, me dit-elle avec un sourire énigmatique.

Nous nous mîmes donc en branle dans le sable brûlant et puant des égouts en direction du plus proche portail collatéral vers Interzone et le squat de la C.R.A.S.S.E. Jouvina la clitamine avançait d'un pas lent et rythmé qui faisait onduler et balancer son dos. Assise à califourchon sur la selle, je tenais Josiane par la taille pour ne pas tomber. Après un moment, je me mis à me sentir tout chose ; les ondulations de la monture provoquaient en moi une chaleur et une moiteur reconnaissable entre mille dans le bas de mon ventre, qui se propageait lentement à travers mon corps jusqu'à mon visage. J'allais avoir un fucking orgasme.

— Shit, dis-je, le souffle coupé. Je comprends maintenant... ce que... tu voulais dire.

Re tsota lemina ossose be se usota... me dit Jouvina.

— À partir de ce moment, tu as deux options, m'expliqua Josiane. Tu peux monter comme moi, en amazone, avec les deux jambes sur le même côté de la clitamine ; ça va grandement diminuer les risques d'orgasmes intempestifs. Ou alors, tu te laisses aller et tu profites de l'expérience unique de la balade à dos de...

— Trop tard... dis-je en crispant mes bras autour de la taille de Josiane.

L'orgasme me scia en deux, me laissant tremblante et à bout de souffle. Josiane, qui pourtant portait un bonnet épais, mit ses mains sur ses oreilles et les autres – pendant que le reste de la caravane rigolait doucement.

Poundo arota gnoa ! s'écria Jouvina.

— Tu n'es vraiment pas discrète quand tu jouis, dis-donc, commenta Josiane.

— Et encore, c'est clair qu'elle se retenait, dit Tramontina™.

— Déformation professionnelle, dis-je en rougissant, comme pour m'excuser.

— Elle n'a pas crié comme ça quand tu la baisais, dit Andrea à Nessos.

— Hého, je te rappelle que nous avons été attaqués par les fucking rats-garous, protesta Nessos. Il eût fallu que je conclusse sans interruption pour obtenir un résultat comparable.

— Ça va, hein, inutile de sortir l'imparfait du subjonctif, dit Andrea en haussant les épaules.

Nous chevauchâmes ensuite en silence, ne faisant qu'un seul arrêt pour nous restaurer près d'une immense dune constituée de sable immonde et de débris divers. Pendant que les clitamines papotaient entre elles, je fis la connaissance des militants et militantes de la C.R.A.S.S.E. qui nous accompagnaient. En plus de Josiane, il y avait Bert et Mona, deux ex-livreur·euses de Necromart qui avaient joint la commune avant que leur job ne les achève ; Selma, une dame sexagénaire qui avait continuellement une pipe à la bouche et qui fraternisa immédiatement avec Nessos ; Kiki, une jeune femme de vingt ans à peine qui commençait chaque phrase par « comme le disait Emma Goldman » ; et Hugo, un barbu aux longs cheveux poivre et sel qui nous a préparé de délicieuses grillades. Pendant le repas, Andrea vint s'asseoir à côté de moi et me dit :

— J'ai discuté avec Mona et elle m'a dit que la C.R.A.S.S.E. dispose de plusieurs portails intégraux. Lorsque nous serons arrivés à Interzone, je vais retourner à Vieuholle. J'ai des clients qui m'attendent.

— Si c'est ce que tu désires, je respecte ta décision. Je vais quand même regretter ta présence – et Nessos aussi. Même Tramontina™ m'a dit qu'elle t'appréciait beaucoup.

— Parlant de Tramontina™... Elle m'a dit que tu avais rencontré les Stunning Frequencies en personne. Est-ce que c'est vrai ?

— Oh ça… C'est une longue histoire que je te raconterai sûrement si tu décides de nous accompagner un peu plus longtemps, lui dis-je en lui faisant un clin d’œil.

Plus tard, alors que nous nous étions remis·es en route, je demandai discrètement à ma godemachette par neuroconnexion :

— Dis-donc, Tina™... Tu as raconté à Andrea notre première sortie à Lustpark ?

— Hey ! C'était une confidence sur l'oreiller ! protesta-t-elle. Et puis, j'ai omis certains détails – comme ma relation avec Tranny, ça l'aurait fait perdre la carte maîtresse.

— Attends... Est-ce que tu es en train de me dire que tu as couché avec iel ?

— Ben quoi... Iel était tellement excité·e quand iel vous a vus baiser, toi et Nessos... Il a bien fallu que je lui offre un peu de soulagement.

— Avoue que tu trouves qu'iel est craquant·e.

— J'aime bien son côté cybernétique, si c'est ce que tu veux savoir. Sauf que s'il y a quelqu'un pour qui Andrea en pince, c'est bien toi.

— Moi ?

Iel me l'a dit de but en blanc. Et puis, ce n'est pas comme si ce n'était pas flagrant.

— Tu... tu crois ?

— Qu'est-ce que tu peux être godiche, ma pauvre vieille ! dit-elle en émettant cette lueur verte qu'elle émet toujours quand elle est d'humeur taquine.

— Hum... C'est bon à savoir, dis-je en pensant à l'usage que j'allais faire de cette information.

Nous approchons du portail vers Interzone, dit alors Josiane.

— Enfin ! Je ne suis pas fâché de quitter cet endroit maudit, commenta Nessos.