Camarade Yana va à l’école

J'étais dans le quartier des Clitamines, en train de discuter avec Jouvina, quand j'ai vu Tommy et Annika, mes meilleur·es ami·es de tout l'univers et pour toujours, qui marchaient vers moi avec leurs gros sacs d'école super remplis et super lourds. Je me suis mise à crier dans leur direction : « Hey les moutons ! Vous vous en allez à l'école vous faire tondre ? » Je sais que ça sonne méchant, mais on aime ça se taquiner, c'est juste la preuve qu'on est les best buds au monde.

— On s'en va faire des mathématiques ! a dit Tommy comme si on lui avait promis une tartine de Nutella.

— Tu devrais venir avec nous, c'est amusant les mathématiques ! a ajouté Annika.

Camarade Yana à l'école Francisco-Ferrer.

— Meh. J'avais prévue fabriquer des pétards à l'armurerie, dis-je en haussant les épaules.

— Poundo dsota henna nekété be poundo usota fakata boumboum, m'a alors dit Jouvina.

J'ai alors soupiré parce que je savais qu'elle avait raison. Mona me dit toujours que jamais je vais pouvoir fabriquer des vraies armes si j'apprends pas la science et que je ne peux pas apprendre la science si je n'apprends pas les mathématiques. Bien sûr, il fallait ensuite que Tommy en rajoute :

— Jouvina a raison et en plus, tout le monde à l'école s'ennuie de toi. Ça fait quoi... trois semaines qu'on t'a pas vue ?

— Ok, ok, je vais venir avec vous. J'espère qu'on va pas apprendre la table de multiplication de 7, c'est fafa bébé.

— Ha ha ha ! On est rendu·es pas mal plus loin que ça ! a dit Annika en riant. La dernière arrivée à l'école sent le vomi !

Les jumelleaux se sont mis·es à courir et je leur ai laissé un peu d'avance, juste pour leur faire croire qu'iels avaient des chances de ne pas sentir le vomi. Dès que j'ai vue qu'iels suivaient le chemin principal, j'ai compris que je pouvais piquer par les ruelles et les toits sans me fatiguer. Près du distrocentre, je me suis laissée glissée de deux niveaux, puis je me suis retrouvée sur la principale, bien loin devant mes deux besties qui n'en croyaient pas leurs yeux. Quand je suis arrivée dans la cour de l'école, j'étais même pas essoufflée et je leur ai dit :

— Ha ha ha ! C'est vous les sacs à vomi !

— On s'en fout, on voulait juste que tu viennes à l'école avec nous ! a dit Annika en me tirant la langue.

Iels m'avaient bien eue, ces deux là. Je les ai donc suivis jusqu'à la classe de la camarade Perrine qui discutait déjà avec la douzaine de kids qui étaient arrivé·es avant nous. Quand je suis entrée, elle m'a fait un grand sourire – comme d'habitude – et je me suis sentie cheap de ne pas venir plus souvent en classe. Juste un tout petit peu, han, quand même. Je me suis assise à une des tables et tout de suite après, Perrine a dit :

— Suive au vote d'hier, la classe a choisi qu'on fasse des mathématiques et...

J'ai tout de suite levé la main.

— Pourquoi ? j'ai demandé.

— Parce que les camarades avaient envie de faire des mathématiques, donc…

J'ai encore levé ma main.

— Pourquoi ?

— Parce que c'est intéressant les mathématiques, ce qui veut dire que…

— Pourquoi ? que j'ai encore demandé.

La camarade Perrine n'avait pas l'air du tout ennuyée par mes questions et ça m'a un peu déçue. Elle a gardé dans sa face le même sourire qu'elle avait quand je suis arrivée et elle a dit :

— Si tu n'as pas envie de faire des mathématiques, camarade Yana, tu peux faire autre chose – comme aller lire un livre, peindre ou te consacrer à un autre projet.

— Nah... je suis ici pour les maths moitou. À moins qu'on étudie la table de multiplication de sept, ça c'est fafa bébé.

Elle s'est alors mise à sourire encore plus – je pensais pas que c'était possible – et elle a dit à toute la classe :

— Je vais vous parler de quelque chose d'un peu plus compliqué : la conjecture de Syracuse.